Gilets jaunes : pourquoi tant de colère à Bordeaux ?

Chaque samedi, le même scénario : plusieurs milliers de manifestants dans les rues du centre-ville et des affrontements violents en fin d'après-midi. Mais pourquoi Bordeaux concentre-t-elle autant de colère ? Pourquoi les gilets jaunes semblent-ils plus mobilisés ici qu'ailleurs ? Explications. 

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Ils étaient encore plus de 5000 samedi après-midi dans les rues de Bordeaux. Les semaines se suivent, les actions des gilets jaunes se succèdent mais leur détermination ne semble pas faiblir.  
Toutes les grandes villes de France connaissent des manifestations hebdomadaires. Certaines comme Toulouse revivent chaque samedi  des scènes de guérillas urbaines. Mais, c'est encore à Bordeaux que la mobilisation la plus forte a été enregistrée.

On est bien en face une population des «  marches de Bordeaux ». Les manifestants viennent de Charente-Maritime, de Charente, de l'ouest de la Dordogne et du Lot-et-Garonne. Ils s’ajoutent aux habitants du Blayais et du Langonnais.
Ils ont le même regard sur Bordeaux que la France a sur Paris. Pour eux, Bordeaux est une mini-capitale avec ses nantis.

explique le politologue Jean Petaux de Science Po Bordeaux.
 

Le couloir de la pauvreté


Ces "marches de Bordeaux" correspondent peu ou prou à ce que l'INSEE Aquitaine appelle le couloir de la pauvreté  
La Dordogne et le Lot et Garonne sont parmi les 20 départements les plus pauvres de France.
Un recensement des bénéficiaire du RSA (Revenu de Solidarité Active) permet de tracer une ligne de pauvreté allant de la pointe du Médoc au Lot-et-Garonne en suivant l'Estuaire de la Gironde et la Garonne.

Une situation qui contraste avec la richesse et l'opulence la métropole bordelaise.

Il y a ces mouvements pendulaires, précise Jean Petaux, où les personnes les plus à l'aise financièrement convergent vers le centre. Des gens extérieurs à la Gironde, retraités, parisiens CSP+. Phénomène qui s'accentue avec la LGV qui place Paris à deux heures de Bordeaux.

Mais "en même temps", les populations les plus en souffrance sociale s’expatrient, s'éloignent de la ville pour se loger, accéder à la propriété.  C’est le phénomène des "rurbains ". 


Des gens qui s'installent à la campagne, non par choix mais par obligation. 

C'est l'échec de plusieurs années de politiques publiques, regrette le député LREM du Médoc Benoît Simian. L'élu girondin dénonce un étalement urbain effréné, qui conduit à des échecs sociaux majeurs.


Ancien maire de Ludon-Médoc à un peu plus de 23 km au nord du centre-ville de Bordeaux, Benoît Simian ne peut que constater l'exaspération des habitants de la presqu'île médocaine.

Des milliers d'habitants font la route quotidiennement vers Bordeaux pour aller travailler. Ils subissent le coût des transports et la congestion de la métropole.


Un sentiment d'abandon


Un problème de mobilité pour les uns qui s'ajoute à la précarité pour les autres.

L'emploi est rare en Médoc, et les travailleurs pauvres sont nombreux entre les ouvriers viticoles et les aides à domicile qui constituent, selon le député, le premier employeur du Médoc.


Ce contexte aquitain  nourrit le sentiment d'abandon dénoncé par les gilets jaunes à Bordeaux, sans doute plus encore que dans d'autres métropoles.

La députée LREM de la 11ème circonscription de Gironde, Véronique Hammerer ne dit pas autre chose : 

Les retours que j’ai chez moi dans le Blayais et depuis longtemps, c’est le mépris de la métropole «  Y en a que pour Bordeaux ». C’est valable pour la mobilité, le logement, les services publics.

L'élue pointe un manque de travail entre la métropole et la ruralité. " Pas assez de ponts, la métropole est rattrapée par tout ça". 


Même constat pour le député LREM Pascal Lavergne, ancien maire de Monségur, secteur rural et viticole de l'est de la Gironde. Bordeaux a un effet repoussoir des plus modestes qui migrent vers les campagnes.
" On voit arriver des gens qui trouvent chez nous des loyers moins chers et un accueil social." 

Ces personnes qui symbolisent la concentration de la pauvreté a retrouvé le chemin de Bordeaux pour une meilleure visibilité du fait du nombre. 

Et l'élu rural de rappeler ces problèmes de mobilité pour aller au travail, ce temps passé dans les transports et les embouteillages et bien sûr l'argent qui y est consacré. Point de départ de la contestation des "gilets jaunes". 
 

Constat partagé 


Un sentiment partagé d'un autre côté de l'échiquier politique, par Loïc Prud'Homme, député France Insoumise de la 3ème circonscription de Gironde :

On a un contexte social, économique et géographique qui peut expliquer cette mobilisation massive. Je veux parler du phénomène de métropolisation qui aspire tel un trou noir, tous les services publics, tout l'emploi.

Et qui laisse toute une zone alentour se paupériser avec des concitoyens en grande détresse.


Pour étayer ses propos, l'élu béglais fait un parallèle :

Si on regarde la carte des richesses des prestigieux vignobles bordelais, dans le Nord-Gironde, elle se superpose exactement avec la carte de la pauvreté. Ça veut dire qu'il y a un réel problème de partage des richesses en particulier dans ce département de Gironde.

  

Ce contexte régional expliquerait pourquoi les mesures gouvernementales ont suscité une telle hostilité autour de Bordeaux.
Benoît Simian rappelle notamment : 

De nombreux retraités choisissent de s'installer en Aquitaine pour profiter de la douceur de vivre. Ils ont été frappés par l'augmentation de la CSG.

Et, le député de la majorité présidentielle de dénoncer " Une faute morale et politique." Il souhaite une indexation des retraites sur l'inflation. 
Pour sortir de la crise des gilets jaunes, l'élu médocain  réclame un virage social et préconise un geste symbolique fort :

Pourquoi ne pas augmenter la TVA sur les produits de luxe pour la ramener à hauteur de la moyenne européenne de 24 % et en même temps baisser la TVA sur les produits de première nécessité, comme le propose le député (LREM) des Deux-Sèvres Guillaume Chiche ?


Un peu de justice fiscale pour répondre aux nombreuses exigences des gilets jaunes. Des revendications devenues, au fil du temps, sans doute plus politiques que sociales et qui pourraient résonner encore violemment samedi prochain dans les rues de Bordeaux.






  
 
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